
Titre : Trois femmes puissantes
Auteur : Marie N’Diaye
Donc ce roman a décroché le prix Goncourt (je dois avouer que c’est un peu sans surprise, il faut avoir un peu parcouru le presse ces dernières semaines pour savoir que Trois femmes puissantes est un coup de coeur national).
Je regrette de dire que j’ai été déçue. D’abord il y avait cette attente immense pour un livre loué unanimement ; et puis un sujet porteur et dont on attend aussi beaucoup, c’est à dire le portrait de trois femmes victimes mais fières, soumises mais intègres dans les difficultés. J’ai apprécié les premières scènes, ce père décrit avec finesse mais déjà sans beaucoup de cohérence. J’ai aussi été touchée par le portrait ultime, celui de Khadi Demba, malheureusment le mal était déjà fait, je courais vers la fin du livre gênée par l’écriture étouffante et sans respiration, par ce rythme bancal. Beaucoup de vocabulaire mais peu de structure. Je reconnais à l’auteur un talent de conteuse qui aurait sûrement eu un meilleur effet sur moi s’il avait été, justement, oral. Mais un Gallimard bavard, c’est pas nouveau, c’est même assez fatigant.
Si le roman m’a déçu le personnage public qu’incarne son auteur m’a déjà plus séduite : ayant quitté la France au lendemain de l’élection de N. Srkz, elle a tenu des propos plein d’une virulente sincérité à l’égard du gouvernement actuel. J’ai entendu ce midi dans l’Edition spéciale de Canal plus l’intervention choquante et imbécile d’un député UMP demandant à Marie Ndiaye de retirer ces propos, puisque dorénavant en tant que lauréate du prix Goncourt elle représente la France à l’étranger. Selon l’abruti, elle se doit de modérer ses propos envers un pays qui lui fait le grand honneur de lui attribuer son prix littéraire le plus prestigieux.
D’abord le prix Goncourt est prestigieux parce que les journalistes en ont décidé ainsi. Je constate que depuis qu’il existe, le prix Goncourt des lycéens récompense en général un meilleur livre que le « vrai » Goncourt. Et je ne parle pas du prix de l’Imaginaire. Avis aux amateurs.
Ensuite se voir décerné un prix n’implique pas que l’on représente son propre pays à l’étranger. Que dire de Elfriede Jelinek et de Jean-Marie Coetzee qui, à force de tant maudire leur propre pays, ont fini par obtenir le prix Nobel de littérature. [Edit : autre exemple : Camus en 57, selon Bernard Pivot interviewé aujourd'hui par le Nouvel Obs].
Enfin les artistes, écrivains, dramaturges, chansonniers, mimes de rue et autres saltimbanques ont, en France le statut privilégié dont jouissait déjà Voltaire et même Jean de la Fontaine qui est de pouvoir à peu près exprimer le fond de sa pensée politique sans avoir à craindre la peine de mort. C’est parce qu’au talent on a toujours offert la liberté d’expression que la littérature française est ce qu’elle est.
Bref, ce crétin de l’assemblée nationale m’a bien fait rire mais il n’est jamais inutile de remettre les points sur les i, on ne sait jamais, quelqu’un pourrait le prendre au sérieux.